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Cote : ARCH-CONT/285
PREFACE
Je suppose qu'on en apprend plus en travaillant qu'on ne veut généralement l'admettre : parmi les gens qui ont émigré vers les parties moins peuplées des Etats-Unis, il y en a beaucoup qui sont devenus, tout d'un coup, d'excellents artisans. Il n'y a qu'à regarder ces maisons, ces granges, ces serres. Elles sont fonctionnelles, elles sont solides, et en plus, elles ont du style.
Et pourtant, les charpentiers qui les ont construites sont si isolés, si différents les uns des autres -jeunes et moins jeunes, naïfs et sophistiqués, ouvriers et petits bourgeois, hommes ef femmes, homos et hétéros, blancs et noirs, gauchistes et conservateurs, croyants et athées - qu'ils semblent n'avoir qu'une chose en commun : une persévérance qui leur permet d'accomplir toutes sortes de rudes tâches rurales, et de traverser de bien durs hivers. Il faut savoir passer l'hiver à Cascade, au Big Hom, au Nouveau- , Mexique, pour se dire constructeur.
Il n'y a pas qu'à l'ouest qu'on trouve cette opiniâtreté paysanne, mais c'est là qu'on trouve une construction de cette qualité. Et cela, sur un territoire deux fois grand comme le Texas, et dix fois plus varié que toute la côte est. Parçe qu'ici, c'est sur d'arides sols désertiques qu'il faut s'installer, ou bien dans d'humides forêts moussues, ou bien alors là où, bon an mal an, il fait quarante degrés à l'ombre en été et moins vingt en hiver.
Difficulté des sites, minceur du budget même pour les constructions les plus réussies par leurs propriétaires, n'empêchent pas que nombre de maisons sont d'allure soignée, presque cossue. Ce qui les différencie, architecturalement, c'est avant tout un éclectisme nouveau et singulier - un savoir-faire ''jeune", un patchwork décontracté de trouvailles, sorti des têtes éveillées et audacieuses de centaines de pionniers.
Si vous trouvez cette notion de "trouvaille" un peu tirée par les cheveux, rappelez-vous qu'il y a quelques années à peine, seuls des Indiens nomades, des trappeurs et des mineurs descendaient ces vallés, contournaient ces crêtes déchiquetées et glacées, traversaient ces gigantesques torrents. Les premiers colons leur succédèrent. Ils construisirent des granges, des maisons, des clôtures, mais on chercherait en vain dans le résultat de ces travaux quoi que ce soit d'astucieux, de bien trouvé, de bien mis en œuvre. A peine, ci et là, une grange, une clôture dont on puisse être fier.
Aujourd'hui, les nouveaux venus, et, de plus en plus, par contagion, leurs voisins, sont en train de créer un style. Ils y mettent de l'imagination et de l'énergie, ajustant tout, jusqu'aux derniers détails de la construction, jusqu'aux terrasses, clôtures, appentis, pérgolas, au climat, à la déclivité du terrain, au génie du lieu. Il n'y a qu'à regarder comment ils utilisent le bois, comment ils manient la pierre. Comment ils se servent du béton, du verre, de l'adobe, de la brique. L'intuition a sa part, mais le travail encore plus : il faut régler sur le tas toutes sortes de problèmes, avant que ça prenne tournure, que rien ne cloche.
Que ça leur prenne dêux ou dix-sept ans, ils font le travail comme il faut et jusqu'au bout. Ils se font mutuellement confiance, se disant que leurs talents sauront insuffler à la construction le style et l'esprit qui conviennent. Ils se, font confiance, comme je faisais confiance à mes étudiants lorsque je les envoyais construire en dur dans des terrains marécageux et battus par le vent.
Nous avons rassemblé ici les premiers chapitres de cette nouvelle aventure du Far-West. On y verra des demeures solides, économiques, gaies et accueillantes, qui ponctuent le chaparral, les sombres étendues de forêts touffues, les longues vallées verdoyantes. Ce sont des bâtisses qui nous parlent à voix basse des travaux et des jours, de la sueur et des larmes qui ont fait d'elles une part de rêve et de beauté des paysages.
Des demeures, aussi, qui abritent une population pleine de vie, exubérante, avec ses tables, ses chaises ses outils, ses cuisines, ses lits, ses fusils et ses guitares. Sans oublier la fierté quotidienne, à la fois rustique et américaine, d'avoir construit de ses propres mains.
PREFACE
Je suppose qu'on en apprend plus en travaillant qu'on ne veut généralement l'admettre : parmi les gens qui ont émigré vers les parties moins peuplées des Etats-Unis, il y en a beaucoup qui sont devenus, tout d'un coup, d'excellents artisans. Il n'y a qu'à regarder ces maisons, ces granges, ces serres. Elles sont fonctionnelles, elles sont solides, et en plus, elles ont du style.
Et pourtant, les charpentiers qui les ont construites ...
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